Les fourrages en réponse aux aléas climatiques ?

Les fourrages en réponse aux aléas climatiques ?

Mardi 22 juin 2021, 70 éleveurs étaient au départ du tour de l’élevage du Gaec du Toit Rouge à Cartignies organisé par les conseillers d’Avenir Conseil Élevage. Un fil rouge reliait les 5 étapes du parcours : quelles adaptations possibles de l’élevage laitier pour faire face au changement climatique ?

Étape n°1 : Définir une situation de départ avec Cap2’ER pour réduire son empreinte carbone

Le Cap2’ER permet d’évaluer les principaux impacts environnementaux d’un élevage pour ensuite construire un plan d’action destiné à réduire les facteurs d’émission en CO2.

En 2018, Donald et Karine Herphelin ont passé leur élevage dans la moulinette Cap2’ER pour mettre en évidence le lien entre les pratiques d’élevage et les impacts environnementaux. Au global, le résultat était conforme à la moyenne régionale : 0,91 kg eq CO2 /L de lait produit.

« Avec Karine et Donald, nous avons donc pu prévoir de faire évoluer les techniques de valorisation des surfaces en herbe, de réduire les concentrés azotés par l’introduction de fourrages de qualité et de réduire l’âge au vêlage. Ces axes seront les plus impactants sur l’empreinte carbone. Ils sont aussi très intéressants pour leur aspect économique ! »

Mélissandre Bonna, conseillère à ACE

En plus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, les élevages qui s’inscrivent dans la démarche, améliorent en effet leurs résultats économiques.

Étape n°2 : Analyse économique de l’autonomie

L’autonomie alimentaire est très souvent évoquée pour répondre aux enjeux climatiques et économiques (s’affranchir des fluctuations des cours). Il est clair qu’en améliorant la valorisation des surfaces fourragères le résultat est très favorable. Mais lorsque les stocks viennent à manquer, faut-il nécessairement s’abstenir d’acheter quelques tonnes de MS pour faire la jonction avec la prochaine récolte ? Ou plus largement faut-il accroitre la marge de sécurité du système fourrager ?

En 2020, beaucoup d’élevages ont eu des choix à faire pour gérer les stocks fourragers. Grâce au suivi régulier du bilan fourrager, Karine et Donald ont pu réagir rapidement en ayant recours à « des achats d’opportunité ». En plus des 150 TMS de pulpes surpressées achetées habituellement, ces achats représentent un peu plus d’une centaine de TMS (49 de luzerne, 19 de pommes de terre et 36 de fanes de pois).

Pour savoir si ce choix est rentable, Agathe Vallier d’Avenir Conseil Élevage part de l’hypothèse « 0 achat » : Ne pas acheter ces 250 TMS équivaut à ne pas nourrir 45 UGB, soit 31 vaches à 8 875 litres de lait ; ce qui représente 274 000 L lait à 331€/1000L. Soit un gain final de 90 700 €.

En moyenne, les achats ont été réalisés au prix de 126 €/TMS, cela représente une charge de 32 000 €, à laquelle il faut ajouter l’utilisation de concentrés pour valoriser ces fourrages achetés (31VL x 2 170 kg x 314 €/T de concentrés = 21 123€). Soit, un coût total de 52 123 € à comparer aux 90 700 € de lait produits.

« Lorsqu’il faut avoir recours à des achats extérieurs, il est très important de bien comparer les opportunités selon leurs valeurs par TMS, par UF, par MAT…, les différences peuvent être énormes »

Vincent Falys, conseiller spécialisé Technico-Economique

Pour ne pas avoir à recourir à des achats lorsque les rendements ne sont pas à la hauteur des besoins, il peut être pertinent d’accroître la marge de sécurité. Certes les stocks ont un coût, mais un silo pour 15 mois au lieu de 12 permet, en année normale, de laisser le nouveau fourrage se stabiliser et ainsi ne pas avoir de variation sur la production. Le stock peut rapporter même en année normale !

Étape n°3 : L’avenir est dans le pré…

« L’herbe, ça se cultive », affirme d’entrée Sophie Gruener, conseillère Fourrages à ACE. « La composition phénologique de vos prairies est une partie de la réponse aux évolutions climatiques, mais les pratiques d’exploitations sont très certainement plus importantes ». Temps de repos, chargement, fertilisation, … toutes les pratiques sont passées en revue lors de cette première étape fourrages y compris ce qui se passe sous le plancher des vaches. En effet, pour favoriser la pérennité des prairies, l’enracinement des plantes est primordial. Ainsi, il est conseillé de les laisser monter en graine tous les deux ans environ. Cela permet aux plantes de régénérer leur système racinaire et de ne pas s’épuiser. De plus, cela constitue un stock de bonnes semences directement en place pour la régénération. « Le Ray Grass est un peu différent, il fait sa « mue racinaire » tous les ans à l’automne, il est donc important de ne pas le surpâturer à cette période.

« Et la croissance de l’herbe, ça se mesure ! » Pour valoriser pleinement les prairies, les mesures de pousses sont des indicateurs fiables. Une fois enregistrées et valorisées, il est alors plus simple d’anticiper la conduite du pâturage et la complémentation à l’auge si nécessaire.

Étape n°4 : …ou bien dans le maïs ?

« Il est clair que la dernière décennie a été plus chaude et parfois très sèche, mais le maïs tire encore son épingle du jeu dans notre région », explique en préambule Jean-Luc Verdru d’Avenir Conseil Élevage. Selon le conseiller, la priorité doit être de récolter au bon stade « minimum 32% de MS ». Or selon les résultats d’analyses réalisées par Avenir Conseil Élevage, plus d’un maïs sur trois est récolté trop tôt. Ensuite le choix des variétés est à raisonner selon le contexte de culture et les objectifs de valorisation par les animaux. « Les variétés HDI conviennent à une distribution en plat unique alors que les variétés dentées avec un amidon farineux seront destinées aux rations diversifiées. » Aussi, le critère « somme de températures » doit être adapté au terroir et permettre une récolte avant la fin septembre en année moyenne.

Étape n°5 : Refroidir les organismes

Même si le 22 juin 2021 a été pluvieux et froid, les jours précédents ont été chauds. Ces variations de températures et ces périodes de canicule sont particulièrement difficiles à supporter pour les vaches. Lorsque le thermomètre dépasse les 25°C, les vaches subissent un stress important. « Pour y faire face, vous pouvez commencer par vérifier quelques éléments simples avant tout investissement », rassure Thierry Parent, Conseiller Bâtiment à ACE.

La présence d’abreuvoirs avec une eau propre est primordiale. L’eau est le seul moyen de régulation de la température des organismes. En période de forte chaleur, le conseiller préconise 10 cm d’abreuvoir par vache. Cela peut facilement être atteint en ajoutant temporairement un abreuvoir d’appoint à l’extérieur du bâtiment, par exemple.

L’ombrage doit être suffisant. « Les surfaces translucides ne sont plus vraiment à la mode dans les nouveaux bâtiments, l’apport de lumière se fait par les longs pans. Si votre bâtiment possède des tôles translucides au sud, il est possible de les blanchir de l’intérieur à l’aide d’une peinture pour réduire le rayonnement direct. »

La ventilation est essentielle pour limiter l’échauffement d’un bâtiment. « En créant des ouvertures dans certains murs, il est possible d’obtenir une ventilation efficace. Et si cela ne suffit pas, il faut alors se tourner vers la ventilation mécanique. »

A l’issue de ce tour d’élevage, nous avons quelques pistes pour adapter son élevage aux évolutions climatiques et environnementales. Elles impactent déjà fortement les trésoreries des élevages. La diversité des surfaces fourragères et leur valorisation optimale sont sans nul doute les axes de travail prioritaires pour assurer les stocks et l’autonomie fourragère et par la même occasion la capacité à résister aux aléas.