Lait ? Viande ? Et pourquoi pas les deux ?

Lait ? Viande ? Et pourquoi pas les deux ?

Située dans le sud de l’Aisne à Chézy en Orxois, l’Earl de Vailly est une exploitation de polyculture mais aussi d’élevages « au pluriel ». Les deux associés, Aurélie Poard et Thomas Barbier, ont fait le choix de maintenir à la fois les productions laitière et allaitante malgré le contexte, la charge de travail et les investissements qui leur sont liés.

Earl de Vailly

  • Main-d’œuvre : 2 associés (Aurélie Poard et Thomas Barbier), travail en entraide avec un éleveur voisin, un apprenti
  • SAU : 300 hectares dont 110 de prairie permanente (achat de 20 ha d’herbe par an)
  • Lait : 530 000 litres de lait, 60 vaches laitières, une stalle de robot de traite
  • Viande : 80 vaches limousines, engraissement des génisses et des vaches de réforme, vente des mâles au sevrage.

« Nos parents qui étaient associés ont toujours été éleveurs laitiers. Les premières vaches allaitantes sont arrivées en deux temps avec nos projets d’installation à Aurélie et moi », explique Thomas Barbier. En 2006, Aurélie a l’opportunité de s’installer avec la reprise d’une quarantaine d’hectares et 7 vaches charolaises. Cette amorce de troupeau ne va pas immédiatement provoquer la volonté de développer l’atelier viande. C’est même plutôt l’inverse qui se produit. En 2011, lorsque Thomas fait le choix de rejoindre les 3 associés, il n’y a plus que 2 vaches allaitantes. Son arrivée est liée à l’augmentation de la production laitière avec l’attribution de 130 000 litres de lait et surtout à la reprise d’un troupeau de 60 vaches limousines avec des prairies.

C’est donc en 2011 que, en plus de l’atelier lait, les 4 associés de l’Earl de Vailly font le choix de valoriser une partie des surfaces en herbe avec un troupeau allaitant. Les vaches limousines sont à 4 km de la ferme, dans un ancien bâtiment réaménagé alors que les génisses sont un peu plus loin. Cette situation peu pratique est revue en 2015 suite à un incendie ; la construction d’un nouveau bâtiment permet de regrouper l’ensemble du troupeau limousin pendant l’hiver.

Un vrai atelier viande

Néanmoins, les résultats techniques ne sont pas encore à la hauteur des espérances. « Dès 2011, nous avons adhéré au service viande Bovins Croissance afin de bénéficier des pesées régulières mais aussi de l’accompagnement technique. Nous connaissions bien la production laitière mais aucun de nous ne maîtrisait la conduite d’un troupeau viande. Alors, avec Didier Oden (conseiller viande d’Avenir Conseil Elevage), nous avons tout redéfini. Il n’y avait pas de période de vêlage clairement établie, aujourd’hui tous les veaux naissent à l’automne. C’est un choix lié à l’arrêt de la pousse de l’herbe pendant l’été qui ne leur permettrait pas de profiter pleinement du pâturage avant leur deuxième année s’ils étaient nés au printemps », détaille Thomas qui poursuit : « avec les pointages réguliers des animaux, nous savions que la sélection était un axe de travail incontournable. Le niveau du troupeau au moment de la reprise était trop juste pour espérer obtenir des performances techniques suffisantes et donc des résultats économiques positifs ! Le conseiller nous a aidé à trouver des taureaux adaptés pour améliorer le troupeau ». Avec le recul, l’éleveur assure que le lait a très certainement contribué au développement et à l’amélioration de l’atelier viande pendant ces années difficiles en supportant une partie des investissements.

Le mot du conseiller

En 2012, les premiers veaux issus du troupeau repris par Thomas avaient des performances de croissance inférieures à la moyenne nationale. En 10 ans de suivi rigoureux sur les choix des taureaux, le tri des vaches afin d’écarter celles qui avaient peu de potentiel et une conduite totalement revue, le niveau de l’index valeur maternelle des vaches a progressé de 11% (+10 pts) et le poids des veaux à 210 jours de 14% (+33 kg).

Didier Oden,
conseiller viande d’ACE

L’heure du choix ?

En 2019, puis en 2022, les départs en retraite du papa de Thomas et de la maman d’Aurélie incitent les deux jeunes associés à mener une réflexion sur l’avenir de la ferme : compte tenu de la main-d’œuvre disponible, faut-il conserver les deux ateliers viande et lait ? Parmi les pistes d’étude figurent : l’amélioration des performances techniques de l’atelier viande afin de rentabiliser les investissements réalisés et l’arrêt de la production laitière, ou sa poursuite avec l’implantation d’un robot de traite. L’investissement robot est envisagé pour réduire l’astreinte de la traite réalisée alors avec une installation de 2 fois 7 postes sans décrochage automatique qui nécessitait la présence de deux personnes en permanence.

Fin 2020, la décision est prise, ce sera la viande et le lait avec un robot. « Nous ne nous sommes pas résolus à nous séparer du troupeau laitier après tout le travail de sélection qui avait été réalisé par nos parents ». Attention, cet argument à la fois technique et sentimental a été conforté par les chiffres d’une étude économique menée par Avenir Conseil Elevage. « Même si le contexte a beaucoup évolué, je suis persuadé que les résultats de l’étude seraient similaires en 2023. Nous avons aussi fait ces choix pour conserver la diversité des sources de revenu de l’exploitation et nous souhaitions être au moins 3 sur la ferme », justifie l’éleveur. En effet, le maintien des ateliers a été l’occasion de mettre en place une collaboration avec un éleveur voisin. « Avec ce système d’entraide et l’embauche d’un apprenti, nous ne sommes jamais totalement seuls lorsqu’un de nous part en vacances ».

Le mot de la conseillère

L’atelier lait a été bouleversé en 2022 par la mise en place du robot. En 2023, Aurélie et Thomas vont poursuivre l’adaptation de la conduite du troupeau à cette évolution sans oublier les fondamentaux comme la qualité du lait. En effet elle a toujours été un des objectifs principaux. Sur l’année, les livraisons ne dépassent pas 200 000 cellules et 20 000 germes. Ainsi, en 2022, pour augmenter le prix du lait, nous avons cherché à améliorer les taux. Avec la récolte de prairies permanentes en ensilage les résultats sont passés de 39/32 de TB/TP à plus de 41/33 tout en augmentant le lait par vache de 8000 à 9500 litres !

Mais en contrepartie, l’introduction de ce nouvel aliment a entrainé la hausse des butyriques, faisant passer le taux de moins de 1000 à plus de 1000 en moyenne ; preuve, s’il en fallait une, que l’élevage réclame une attention et une adaptation de tous les instants.

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Nathalie Glérant,
conseillère d’élevage d’ACE

Avec les premiers mois de recul, les résultats technico-économiques sont à la hauteur des objectifs : aucun regret n’est à signaler ! En 2022, la mise en route du robot de traite a entrainé quelques perturbations et évolutions. La gestion de l’aire paillée a été adaptée pour maintenir le taux cellulaire. Et surtout, les vaches n’ont pas pu pâturer autant en 2022. C’est d’ailleurs l’une des évolutions prévues par les éleveurs en 2023, « nous avons la chance d’avoir des pâtures accessibles pour les vaches et nous ne sommes pas prêts à laisser les animaux dans le bâtiment toute l’année. »