Lait Bas Carbone et MAEC : coup double pour l’élevage !

Lait Bas Carbone et MAEC : coup double pour l’élevage !

Jeudi 9 février, Jean-Christophe et Audrey Cazier ont ouvert leur ferme dans le cadre du Projet Lait Bas Carbone Hauts de France-Ardennes, mené par le Criel Nord Picardie Ardennes, Idèle et les deux Régions. A cette occasion, les éleveurs et les partenaires techniques ont exposé les évolutions techniques mises en œuvre ainsi que les objectifs visés.

« L’engagement de l’élevage dans la démarche Lait Bas Carbone est en totale cohérence avec une orientation technique prise en 2021 », explique Jean-Christophe Cazier. En 2017, en effet, une douzaine d’hectares ont été retirés de la surface de l’exploitation, occasionnant nécessairement une perte de chiffre d’affaires alors que les besoins financiers étaient là ! Il fallait donc revoir le fonctionnement du système pour limiter cet impact. Dans un premier temps, Jean-Christophe se forme à l’agriculture biologique sans avoir encore pris la décision de convertir l’exploitation. « J’ai beaucoup appris pendant cette période, la technicité de ce mode de production est très intéressante mais le besoin de main-d’œuvre est aussi un facteur qu’il faut prendre en compte ». Finalement, à force de recherches, Jean-Christophe monte un dossier pour inscrire son exploitation dans une Mesure Agro Environnementale et Climatique (MAEC) qui se concrétise en 2021.

Deux programmes qui coïncident !

Avec la MAEC, l’éleveur s’engage à faire évoluer son système vers l’autonomie alimentaire en revalorisant les surfaces en herbe. La MAEC l’incite également à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires en s’appuyant sur le calcul des IFT (Indices de Fréquence de Traitement). Avec de tels objectifs, Mélissandre Bonna, conseillère d’Avenir Conseil Elevage propose à l’éleveur de rejoindre le programme Lais Bas Carbone dont la première étape consiste en la réalisation d’un diagnostic Cap’2ER.

Il s’agit en effet de s’appuyer sur le diagnostic Cap’2ER pour établir une situation de référence initiale. L’approche technique indique alors une production de 5 367 litres de lait corrigé par vache avec 125 g de concentré par litre. L’âge au vêlage est de 33 mois et le taux de renouvellement de 30%. Après déduction du stockage de carbone, l’empreinte carbone nette atteint 0,91 kg équivalent CO2 par litre de lait corrigé. « Ce chiffre est légèrement inférieur à la moyenne régionale (0,95 kg eq CO2) grâce à la présence des haies et des prairies qui compensent un peu plus les émissions que la moyenne (0,19 kg eqCO2 contre 0,14) », commente Mélissandre Bonna.

Des haies, des prairies et du méteil

A l’issue de ce premier constat, plusieurs leviers d’amélioration sont définis. Dans certains cas, l’intensification du système permet de limiter significativement les émissions en réduisant le nombre d’animaux : augmentation du lait par vache, réduction de l’âge au vêlage ou encore du renouvellement. Mais ici, ce sont d’autres leviers qui ont été ciblés. « Selon moi, sur des petits systèmes de production comme le nôtre, l’intensification coûterait trop cher et puis nous devons avant tout faire coïncider les objectifs du programme Lait Bas Carbone avec ceux de la MAEC », explique l’éleveur. C’est pourquoi Jean-Christophe et Audrey misent sur l’implantation de méteils, de prairies temporaires et de haies.

Ainsi, 330 m de haies ont été implantées en complément des 3 360 m existants. 3 ha de Ray-Grass + Trèfle ont été semés portant la surface de prairies temporaires à 5 ha ; l’objectif est d’atteindre 8,5 ha d’ici 2024. Enfin, 10 ha de cultures sont consacrés à la production fourragère en implantant principalement un méteil. Auparavant, cette surface était destinée à la production à façon de pomme de terre.

Une recette adaptée

« Les formations en agriculture bio m’ont bien aidé pour établir un itinéraire technique qui corresponde aux conditions de cultures et aux objectifs de récolte. Je me suis aussi inspiré des expériences d’agriculture de conservation. Mais je ne suis ni bio, ni en agriculture de conservation. » En août 2021, l’éleveur se lance en semant, avec un semoir à disque, un mélange composé de 80 kg de seigle, 35 kg de pois fourrager et 10 kg de vesce par hectare. Au printemps, il apporte un engrais complet (NPK) à hauteur de 30 unités. Une première coupe est ainsi réalisée en avril 2022 et récoltée en ensilage. Immédiatement après, Jean-Christophe complète la culture avec un semis de 50 kg d’avoine et 30 kg de pois protéagineux. Malgré le manque d’eau en 2022, deux coupes ont tout de même été réalisées en juillet et en septembre. « Nous avons surtout fauché pour éviter que tout grille et étouffe, le rendement n’était forcément pas à la hauteur mais nous avons été agréablement surpris par la qualité. » Après la coupe de septembre, le couvert est facilement désherbé pour semer une céréale d’hiver.

Avec ce mode de culture, Jean-Christophe parvient à réduire très fortement l’IFT puisqu’un seul herbicide est appliqué à la fin et il récolte un fourrage riche en MAT qui permet également de réduire la consommation de concentré. Les récoltes précoces en ensilage des prairies temporaires participent aussi à ce dernier point puisqu’elles favorisent la MAT.

En quelques mois, les actions définies à l’issue du Cap’2ER ont déjà modifié les pratiques, et les objectifs seront atteints pour le diagnostic bilan prévu en 2024. D’ici là, Jean-Christophe et Audrey s’interrogent sur l’opportunité de valoriser les prairies éloignées avec l’élevage de quelques mâles plutôt qu’avec les génisses, cela au profit de la réduction de l’âge au vêlage.