La luzerne au printemps

La luzerne au printemps

Au printemps la luzerne sort de son repos hivernal. Voici quelques points de vigilance pour une levée de dormance en douceur.

Selon la variété implantée, la luzerne sort de son repos végétatif plus ou moins tôt. C’est d’ailleurs le principal critère de choix variétal. Pour exprimer cette caractéristique, les semenciers attribuent aux variétés un indice de dormance. Plus la note est faible, plus la plante entrera en repos végétatif tôt à l’automne et en sortira tard au printemps. Dans notre région, les luzernes notées 3 à 5 sont souvent préconisées. Mais rien n’empêche de viser une note plus élevée, particulièrement sur la bande côtière où les épisodes de gels tardifs sont moins fréquents et moins marqués.

Indice de dormance faibleIndice de dormance élevé
• Repos végétatif marqué en hiver
• Résistance au froid
• Première coupe au printemps importante puis plus faible en été et automne
• Supporte moins les coupes fréquentes
• Peu d’arrêt de végétation en hiver
• Sensible au froid
• Production importante en été – automne mais plus faible au printemps
• Bonne aptitude aux coupes fréquentes
• Repousse rapide

La sortie de dormance ou reprise de végétation qui a lieu au printemps est un stade charnière dans l’entretien d’une parcelle de luzerne.

Exploiter tout le potentiel de la luzerne

Grâce aux rhizobiums, la fertilisation azotée est inutile. Toutefois, la luzerne est une plante qui a ses propres exigences. En cas de carences, les rendements plafonnent rapidement et la pérennité de la culture est impactée. La teneur en calcium du sol est le premier élément à prendre en compte. Pour des pH inférieurs à 6,5, un apport calcique avant l’implantation favorise le développement de la plante et limite les risques de carences.

Le printemps est la bonne période pour apporter tout ou partie de la dose de potassium, élément majeur pour la luzerne. Au-delà de 200 unités, il est recommandé de fractionner l’apport. Sur une parcelle de 2 à 3 ans, il est également important de veiller à la disponibilité du phosphore. Les quantités de phosphore exportées sont moins importantes que les quantités de potasses mais elles doivent souvent être compensées.

Le soufre entre dans la composition des protéines, c’est donc un élément important pour la productivité de la luzerne mais aussi pour sa pérennité. Selon la situation, l’apport de soufre associé à du magnésium (100 à 200 kg/ha de kiesérite par exemple) en mars est favorable au rendement et à la qualité de la luzerne. Dans les parcelles très calcaires, il peut également être intéressant d’associer du bore à cet apport (attention pas de bore sur les semis). Enfin, le molybdène est à surveiller. Une carence nuit au bon fonctionnement du rhizobium et donc à l’alimentation azotée de la plante.

Fertilisation organique

Un apport de fumier bien décomposé favorise l’implantation (10-15 tonnes par hectare avant semis). Sur culture implantée, l’apport organique est possible à l’automne ou avant la reprise de végétation. Le compost est à privilégier par rapport au fumier frais pour limiter les risques de salissement, 15 à 20 t/ha couvrent les besoins en P et K si le sol est suffisamment pourvu. Il est également possible de pourvoir une partie des besoins avec un épandage de lisier à la reprise de végétation.

Dans tous les cas, il est important de réaliser une analyse de sol avant l’implantation d’une luzerne.

Herser pour réveiller le rhizobium

La maîtrise des adventices se joue essentiellement à l’implantation. C’est d’ailleurs un des facteurs importants pour la bonne pérennité de la parcelle. Au printemps, le semis sous couvert (voir encadré) réduit le risque de concurrence mais ne permet plus d’intervenir en post-levée. En semis pur, le traitement est à adapter selon le stade de la luzerne, les adventices et les éventuelles repousses de la culture précédente. Sur luzerne installée, en cas de salissement important, il est possible d’utiliser des herbicides après la dernière coupe ou avant la reprise de végétation (fin février-début mars) selon la flore visée.

Pour les luzernes bien enracinées, le désherbage mécanique est une technique efficace sur jeunes dicotylédones et graminées. Il consiste en un ou deux passages d’une herse étrille voire d’un vibroculteur (5 cm de profondeur à faible vitesse). Ce mode de désherbage présente aussi l’avantage de réchauffer la couche superficielle du sol et de favoriser son aération, gage du bon fonctionnement du rhizobium.

Un œil sur les ravageurs

Au printemps, il faut surveiller les jeunes plantules. Les limaces, charançons et autres pucerons peuvent occasionner de gros dégâts. Toutefois, il faut réserver l’intervention chimique aux fortes infestations. Une fauche précoce peut aussi être un moyen de contrôle des populations.

Le campagnol peut être un véritable fléau pour une luzernière. Un des facteurs qui influence le plus la démographie d’une population est le niveau d’ouverture de l’espace naturel. Plus le milieu est ouvert, plus il est favorable aux campagnols. En effet, c’est le déficit de prédateurs qui entraine un accroissement de la population. La lutte passe donc par la restauration des habitats naturels. Mais en attendant que les haies et les arbres à planter leur offrent le gite, il est possible de placer des perchoirs au sein des parcelles concernées pour attirer les rapaces, véritables alliés de la lutte contre les campagnols.

Le printemps est une période clé pour la luzerne. Certaines parcelles en sol profond peuvent fournir jusqu’à 20 tonnes de MS par hectare, à condition d’apporter les bonnes quantités d’engrais au bon moment. De plus, les soins améliorent réellement la pérennité de la parcelle. Il est envisageable de conserver une parcelle jusqu’à 5 années contre 3 à 4 ans en moyenne.

Et si vous profitiez du printemps pour semer

Petites pousses de luzerne dans un semis d’orge de printemps

Un semis précoce en fin d’été permet une implantation suffisante à une récolte dès le printemps suivant. Mais les conditions sèches d’août à septembre peuvent être un frein important.

Le semis au printemps est possible (mais pas au-delà du 10-15 avril). Très souvent, il est réalisé sous couvert de céréale de printemps (orge ou avoine). L’association des deux cultures permet de limiter l’impact économique de la luzerne. Sans la céréale, la luzerne occupe la surface sans récolte immédiate. Autre avantage, le salissement de la parcelle est plus facilement maitrisé par la couverture végétale de la céréale.

La pratique consiste à semer d’abord les grosses graines (orge ou avoine) puis, en passant une deuxième fois dans la foulée, la luzerne à 25 kg/ha afin de gérer la profondeur de semis (maxi 1 cm pour la luzerne). Un semis à la volée est possible à condition de bien réappuyer le sol.

Enfin, si le couvert d’une parcelle de luzerne est abimé, il est inutile de sursemer avec de la luzerne. La luzerne en place produit une toxine qui inhibe le développement de nouveaux pieds. Pour regarnir une parcelle de luzerne, il est préférable de semer un trèfle violet par exemple.