Dépendance protéique et production laitière

Dépendance protéique et production laitière

Le déficit protéique de l’élevage français avoisine les 45%. Ce paramètre, bien que connu, devient un point de préoccupation dès lors que les cours mondiaux des protéagineux sont à la hausse. Or, la volatilité du soja, observée notamment entre janvier et mai 2018, ne rassure pas les éleveurs. A cela s’ajoute de nouvelles demandes de la part du consommateur : lait sans OGM, vaches au pâturage… Les Hivernales d’Avenir Conseil Elevage qui se déroulent jusqu’au 16 février sont l’occasion de s’interroger sur les réponses possibles à cette problématique.

« Selon les cours, l’achat de tourteaux azotés est une problématique économique, mais actuellement je suis aussi à la recherche de solutions pour une question d’image auprès du public et pour ma satisfaction personnelle. » L’intervention d’un participant au début de la réunion Hivernales d’Avenir Conseil Elevage à Moliens (60) le 23 janvier a le mérite de présenter deux composantes du sujet traité : « Protéines & Production laitière : quelles voies d’avenir ? »

Quelle protéine ?

Avant d’aborder concrètement les voies d’amélioration possibles, il faut savoir qu’une part des protéines est dégradable dans le rumen, tandis qu’une autre sera valorisée au niveau de l’intestin (PDIA). Les besoins de la vache laitière varient essentiellement selon son niveau de production. Plus il est élevé, plus la part de matière azotée non dégradable dans le rumen est importante. Ainsi, pour maintenir le niveau de production il faudra prendre en compte la nature de la MAT (Matière Azotée Totale).

Faire un bilan de la situation initiale pour dégager des perspectives

Dans la plupart des cas, supprimer la totalité des achats semble compliqué. En revanche, les réduire est tout à fait envisageable. Pour mesurer l’intérêt économique et la faisabilité de cet objectif, les conseillers d’Avenir Conseil Elevage ont analysé les bases de données à leur disposition afin de construire une méthode de calcul du bilan de l’efficacité de l’alimentation protéique des élevages.

Le premier calcul consiste à déterminer les besoins du troupeau liés à la production laitière, l’entretien des animaux et au renouvellement. Ainsi, il est établi que pour produire 100 000 litres de lait il faut un peu plus de 14 T de MAT, soit 31 T en équivalent tourteau de soja. La suite du bilan a pour objectif de connaitre la proportion de cette MAT apportée par les fourrages et les concentrés.

Des différences d’efficacité non négligeables

Les résultats obtenus permettent une comparaison selon le système de production (proportion d’herbe dans le système fourrager). Tous les systèmes ont des besoins en protéines équivalents. En revanche, au sein des groupes de comparaison il existe de réelles différences de quantités de MAT apportées. En moyenne, les élevages les plus efficaces produisent 100 000 litres de lait avec 6 000 kg de MAT en moins que ceux moins efficaces, soit environ 12 T de soja.

Mesurer son efficacité pour valider les objectifs

Avant de travailler à la réduction de la dépendance protéique d’un élevage, ce bilan permet de mesurer l’efficacité azotée de l’alimentation. Dans certains cas, améliorer ce critère peut constituer un premier levier avec des résultats non négligeables en adaptant par exemple l’apport de protéines au stade de lactation des vaches. Les plus efficaces affichent 175 g de concentrés par litre avec un niveau de marge brute de 233 €/1 000 litres.

La voie fourragère

Au-delà de ce premier constat, la réduction de la dépendance protéique peut passer par l’amélioration de la conduite des surfaces fourragères : prairies permanentes, temporaires ou encore en implantant des méteils, des dérobées ou autres intercultures.
Pour optimiser les surfaces en herbe, il est possible de travailler à la réorganisation du pâturage mais aussi au stade de récolte. Les ensilages d’herbe analysés par Avenir Conseil Elevage affichent en moyenne 15% de MAT avec 5 points d’écart entre le ¼ inf. et le ¼ sup. C’est principalement le stade de récolte qui est à l’origine des écarts de valeurs alimentaires. La valeur alimentaire de l’herbe atteint son maximum avant épiaison, récolter au-delà n’aura pour effet que de déconcentrer cette valeur dans le rendement.

Fleur de luzerne
Produire son correcteur azoté

Dans notre région, la gamme de protéagineux disponible est peu étendue. La féverole semble être la piste la plus intéressante, notamment avec la possibilité de toaster la graine afin de la stabiliser et de rendre la MAT moins dégradable dans le rumen (des essais sont en cours dans les instituts de recherche).

Même si l’autonomie protéique totale des élevages laitiers parait complexe à atteindre sans nuire à leur rentabilité économique, il existe des pistes visant à améliorer l’autonomie des élevages. Avant tout, il convient de juger de l’efficacité avec laquelle les vaches utilisent la MAT distribuée (notamment grâce à la quantité de concentrés par litre de lait). Dans un même temps, l’optimisation des surfaces en herbe, avec notamment la réussite des récoltes, et l’analyse des fourrages pour en connaitre les valeurs constitue un levier d’autonomie.

L’amélioration de l’autonomie protéique ne rime pas toujours avec une meilleure rentabilité économique. Les matrices de gains réalisées par Avenir Conseil Elevage permettent d’appréhender les situations potentiellement bénéfiques. Enfin, la disponibilité de main-d’œuvre et les besoins de mécanisation liés aux changements pratiques doivent également être pris en compte. En la matière, chacun doit expérimenter pour atteindre ses objectifs économiques mais aussi personnels.