Davantage de lait, davantage de taux sans coût supplémentaire

Davantage de lait, davantage de taux sans coût supplémentaire

« Je veux améliorer la quantité de lait et les taux sans augmenter le coût alimentaire, » voici comment pourrait être résumé l’objectif fixé à la fin de l’année 2018 par Thierry Lemaire, éleveur à Cappelle en Pevele dans le Nord, à Geoffrey Watté, conseiller d’élevage à Avenir Conseil Elevage. 3 ans plus tard, Geoffrey revient sur les évolutions et les résultats obtenus.

Peux-tu nous donner quelques caractéristiques de la situation initiale ?

Fin 2018, le troupeau était déjà à un bon niveau de production avec plus 9 800 kg de lait en moyenne et 40,7 de TB et 31,7 de TP. La ration était assez classique pour la région : du maïs et de l’herbe avec un peu de betteraves pendant l’hiver. Le coût alimentaire était contenu aux alentours de 103 €/1000 litres et la quantité de concentrés à 156 g/litre. Avec Thierry, nous avons assez rapidement porté notre attention sur la qualité des fourrages récoltés.

En quoi cela a-t-il consisté ?

Nous avons décidé d’adapter les fourrages aux besoins des animaux. Pour faire plus de lait et plus de taux, la diversification des fourrages et leur complémentarité permet d’obtenir une hygiène de ration optimale et favorable aux performances. L’herbe doit être riche en énergie et en MAT, sans être encombrante. Autrement dit, il faut faucher tôt pour récolter une herbe jeune à la première coupe et la réserver aux vaches. En plus, cette année, la fertilisation de fond a été réhaussée pour pallier le déficit de potasse, ce qui a peut-être aussi eu une incidence sur la qualité et très certainement sur le rendement et le démarrage malgré le printemps frais.

la diversification des fourrages et leur complémentarité permet d’obtenir une hygiène de ration optimale et favorable aux performances

Les analyses de fourrages de l’enrubannée de prairie permanente sont passées de 12% de MAT en 2019 à 15% en 2020 et plus de 16% en 2021, avec un encombrement à la baisse et un gain d’UF. À ce niveau, il faut veiller à la cellulose qui peut devenir faible.

Enrubanée 2019 Enrubanée 2020 Enrubanée 2021
Récolte15/05/201927/04/202007/05/2021
MS68%54%59%
MAT117155164
CB261248157
UEL1,111,061,05
UFL0,840,870,90

Résultats des analyses Agrinir d’herbe enrubannée de M. Lemaire – ACE 2021

Pour le maïs, il faut ajuster le stade de récolte pour obtenir un amidon plus « lent » propice au TP et à l’état corporel. Habituellement, le maïs était ensilé entre 30 et 33% MS, désormais il dépasse les 35% de MS sur les 2 dernières récoltes (37% en 2019 et 38% en 2020).

As-tu modifié la ration du troupeau ?

Nous avons conservé le principe initial ; le maïs, l’herbe et les betteraves sont à la base de la ration. Puis, pour l’adapter au niveau de pousse de l’herbe, j’ajuste les quantités des 3 aliments en gardant les mêmes proportions alors qu’auparavant le pâturage remplaçait principalement l’herbe enrubannée. En conservant une bonne proportion d’enrubannée toute l’année dans le mélange, même lorsque l’herbe pousse au printemps, on cherche à limiter la diminution des taux liée à la saisonnalité et au manque de cellulose de la jeune herbe, riche en acides gras polyinsaturés. De plus, le temps de pâturage est modulé selon la quantité d’herbe. Lorsque la pousse ralentit ou que la surface n’est plus suffisante, Thierry contrôle le temps passé en pâture. L’objectif est de favoriser une alimentation régulière à l’auge plutôt qu’un gros repas avant ou après la traite. Cette méthode permet, elle aussi, de limiter la chute des taux.

Thierry Lemaire, éleveur à Cappelle-en-Pevele dans le Nord.

Nous avons aussi fait le choix de travailler avec de la pulpe surpressée, du printemps à la fin de l’été. Elle prend la place des betteraves fourragères lorsqu’elles ne sont plus disponibles. Cela permet de garder une diversité dans la ration et favorise l’appétence. Grâce à un avancement rapide, il n’y a pour le moment, aucun souci au niveau de la conservation, même par forte chaleur. C’est la deuxième année que Thierry fonctionne comme cela et les résultats sont satisfaisants.

Et dernièrement, nous cherchons à maximiser le pic de lactation des fraiches vêlées en leur apportant un complément tanné. Nous verrons avec Thierry si nous maintenons cette pratique parce que mis à part le correcteur qui est un mélange de soja et de colza, aucun autre tourteau n’était utilisé dans l’alimentation du troupeau.

Quels sont les résultats techniques de ces adaptations ? L’objectif est-il atteint ?

En analysant les résultats des 3 dernières campagnes, on voit que la quantité de lait a augmenté (+500 kg) mais c’est surtout sur les taux que l’effet est visible. Le TB a pris 2 points et le TP a gagné 1 point, avec des coûts alimentaires et des quantités de concentrés bien maitrisés. Sans parler d’objectif atteint ou pas, ce qu’il faut retenir, c’est que l’évolution de la conduite fourragère demande du temps mais que c’est un investissement rentable.

2018-20192020-2021
Niveau d’étable9 800 kg10 300 kg
TB40,743,0
TP31,732,8
Qté de concentrés156 g/l140g/l
Coût alimentaire103€/1000 l98 €/1000 l
Coût de ration 3 €/VL/jour 3 €/VL/jour

Résultats des deux années de travail – chiffres ACE 2021

Avec Thierry, dans l’immédiat, nous poursuivons le travail sur le rationnement et, en particulier, pour les préparations au vêlage pour favoriser les pics de lactation. A l’avenir, pour aller plus loin, il faudra certainement se tourner vers des pistes complémentaires à la voie fourragère. Par exemple, il pourrait être intéressant de travailler la reproduction pour réduire l’intervalle entre 2 vêlages afin d’améliorer le stade global du troupeau.