Construire sans hypothéquer l’avenir

Construire sans hypothéquer l’avenir

Le bâtiment d’élevage représente une part très importante des annuités d’emprunt d’un élevage. À ce titre, et comme tout investissement, il doit être remboursable sans remettre en cause la viabilité financière de l’exploitation. Avec des coûts de construction qui ne cessent d’augmenter, cette capacité à rembourser l’investissement est un paramètre déterminant et aussi de plus en plus limitant dans les choix techniques.

Pour réduire le coût d’un bâtiment, il est important d’amorcer la réflexion du projet avec l’objectif d’optimiser l’utilisation de chaque euro investi. Autrement dit, l’identification et la clarification des objectifs de l’investissement « bâtiment » est la principale source d’économie. À chacun alors de placer ses propres curseurs en termes : d’amélioration de conditions de travail, de confort des animaux, de charges de fonctionnement, d’adaptabilité aux évolutions futures et bien sûr de coût supportable pour l’exploitation.

Le contexte de l’élevage (sa situation, son système de production, la disponibilité en main-d’œuvre, le niveau d’investissement…) est donc déterminant. Un élevage situé en zone herbagère, dans lequel les animaux sont en pâture plus de 6 à 7 mois par an a certainement tout intérêt à limiter le coût du logement pour conserver une capacité à investir dans la conduite du pâturage par exemple (chemins, abreuvement…). Un tel préambule amène à redéfinir le bâtiment pour ce qu’il est : un investissement à rentabiliser au sein d’un projet d’entreprise global.

La flambée des coûts de construction risque de perdurer et les hausses ne sont certainement pas terminées pour certains matériaux. Dans ces conditions, il faut raisonner chaque choix technique afin de limiter la quantité de matière première mobilisée. Pour simplifier, le prix d’un bâtiment est très fortement corrélé à son poids.

Construire à la légère !

Les postes maçonnerie, charpente, couverture et bardage sont les plus importants. Pour limiter le coût de la toiture, certains bâtiments récents prévoient des zones découvertes au-dessus de l’aire de raclage (entre les logettes et la table d’alimentation).

La réduction de la hauteur voire la suppression des murs en béton permet non seulement de réduire significativement le prix, mais peut aussi réduire le risque de surchauffe du bâtiment lors des canicules. Un mur plein bloque la ventilation et le béton accumule énormément de chaleur tout au long de la journée pour la restituer pendant la nuit.

Dans certains cas, un filet brise-vent automatisé est présenté comme une alternative à un bardage, mais attention son coût n’est pas toujours favorable. Meilleur marché et réalisable par soi-même, le bardage en bois est une alternative intéressante qui offre de nombreux atouts (faible inertie, bardage plein ou clairevoie, approvisionnement local possible…). La pose ajourée « classique » peut être améliorée en prévoyant une partie coulissante sur quelques travées. Cette portion de bardage réglable permet de faire varier l’espacement entre deux lames et donc la ventilation, comme le ferait un filet brise-vent automatisé, mais pour un coût 2 fois moindre. Enfin, plus économique encore, il faut tout simplement limiter la pose du bardage là où il se justifie.

La charpente, par sa dimension et son poids, influence directement le poste maçonnerie. En réduisant la longueur des portées entre poteaux, en limitant la hauteur du bâtiment, il est possible de faire baisser significativement la facture charpente et celle de la maçonnerie. Une charpente légère peut reposer directement sur un muret, alors qu’une dimension plus importante nécessite des dés de béton à 220 – 280 € l’unité.

L’orientation et l’environnement du bâtiment sont des facteurs déterminants. Selon la situation, il peut être très judicieux de préparer l’avenir en plantant une haie à proximité du site pour se passer de bardage tout en créant une zone d’ombre recherchée par les animaux l’été. Cette solution est économique, écologique et favorise l’insertion paysagère de l’installation. Enfin, l’implantation impacte aussi le poste « accès et chemins », qui est devenu une dépense très importante (30 à 50 €/m² !).

Ces options qui alourdissent la facture

Le gros œuvre est le principal levier à actionner pour réaliser des économies, mais les « petits plus » qui paraissent utiles voire indispensables au moment de la réflexion peuvent finalement représenter un montant non négligeable de la facture globale. L’idée n’est pas de renoncer à toute modernité mais plutôt de réfléchir au besoin réel. Pour cela, il est tout à fait possible d’étaler les investissements dans le temps. A l’usage, il est plus facile de mesurer l’intérêt d’un équipement supplémentaire. Par exemple, il est assez facile de prévoir la pose d’une porte de tri en sortie de salle traite sans l’installer immédiatement.

Ici se joue le confort de travail

L’augmentation des ouvertures pour favoriser la bonne ventilation et économiser du bardage pénalise les conditions de travail de l’éleveur au sein du bâtiment. Mais d’après les études menées sur le temps de travail en élevage, sur la totalité du temps passé dans l’ensemble bâtiment/salle de traite, 70% l’est dans la salle de traite. C’est donc au moment de la traite que se joue véritablement le confort de travail de l’éleveur. Le bâtiment doit être conçu pour le bien-être des animaux alors que le bloc traite doit répondre davantage au besoin de confort des trayeurs. Avec ce principe, l’isolation d’un bloc traite (salle de traite ou robot) parait être un investissement très judicieux pour le confort d’intervention, réduire les risques de gelées et aussi limiter la hausse des températures dans l’aire d’attente en période de canicule.

La construction d’un bâtiment génère toujours des surcoûts difficiles à prévoir, mais une bonne préparation limite les plus-values. Les décisions prises à la hâte peuvent pénaliser lourdement le retour sur investissement et parfois être à l’origine de choix techniques discutables source de déception. Un projet bien réfléchi est une réelle source d’économies…

La préparation du projet, la recherche de la simplicité et la réduction des quantités de matériaux utilisés sont des pistes pour adapter l’investissement « bâtiment ». Pour y parvenir, l’éleveur doit prendre le temps de la réflexion, aller à la rencontre d’autres éleveurs, s’entourer de conseillers spécialisés, de constructeurs pour s’inspirer et élaborer la solution qui lui convient pour l’avenir de son élevage.