Inutile de tenter un effet de suspens, la moyenne des Marges Brutes 2023-2024 calculées par Avenir Conseil Élevage enregistre un léger repli comparé à la campagne de l’an passé. A 286 €/1 000 L, ce résultat se situe au-dessus de la moyenne stagnante de ces 20 dernières années (219 €/1000 L) et réserve aussi quelques éléments d’analyse intéressants.
Mesurer et partager pour progresser
Avant de dévoiler quelques-unes des composantes du résultat final, il est important de rappeler que, quel que soit l’indicateur utilisé, l’objectif économique principal doit être de satisfaire le besoin de marge globale de l’exploitation. En calculant régulièrement la Marge Brute de l’atelier lait, l’éleveur peut mesurer les impacts de sa conduite technique, puis actionner les leviers d’amélioration prioritaires au profit de la marge globale. La comparaison des résultats à une base solide et à des systèmes équivalents est toujours riche d’enseignements. Grâce au travail des conseillers, les 330 éleveurs, qui ont fait appel à Avenir Conseil Élevage pour calculer la Marge Brute (période du 01/04/2023 au 31/03/2024) de leur atelier lait ont été invités aux réunions de remise des résultats dès le mois de juin. Cette réactivité est une priorité car elle permet de faire émerger les pistes d’amélioration avant que ne s’enclenche une période estivale souvent chargée.
96 400 € d’écart de Marge Brute
La compilation de l’ensemble des résultats de MB montre qu’il existe une différence de 101 €/1 000 L entre le quart inférieur (Qi) et le quart supérieur (Qs). Cet écart continu de se creuser, et d’après la production moyenne des 330 élevages, cela représente plus 96 000 € de MB totale.
Pour comprendre l’origine de cet écart, il faut le décomposer. Alors que l’an passé, les charges expliquaient les deux tiers de l’écart, cette année, la tendance est à l’équilibre entre les produits et les charges. Le poste « Alimentation » demeure un levier d’amélioration important pour la plupart des élevages, notamment en raison du coût des concentrés et de la quantité distribuée. Les ateliers du quart supérieur parviennent à mieux valoriser les fourrages (en qualité et en quantité).
Les écarts entre les quarts inférieur et supérieur sont utiles pour définir les objectifs de l’élevage. Ces données sont disponibles pour chaque système fourrager, ainsi que pour les systèmes bio et robotisés. Se comparer à la moyenne est un bon début, mais viser le quart supérieur montre le potentiel maximal pour chaque type d’élevage. Atteindre ce niveau est une réussite, le maintenir est un objectif !
Pour être significative et comparable, la MB Lait est exprimée selon une unité de référence : par 1000 litres de lait, vache laitière, SFP… Les deux premiers mesurent l’efficacité de production du système alors que la surface permet de juger l’intensification de l’atelier. L’analyse combinée de plusieurs indicateurs permet de mesurer la cohérence du système.
286 € / 1000 litres de lait
Après avoir progressé de 23% l’an dernier, la valorisation du produit lait recule de 5% pour cette campagne. Le produit viande recule, lui aussi, de 5%. Le prix moyen au kilo de carcasse atteint 3,75 €/kg contre 4,12 €/kg sur la campagne précédente. Globalement, le produit de l’atelier lait se contracte de 9 €/1 000 L et s’établit à 521 €/1 000 L.
Après une forte hausse en 2022-2023, les charges 2023-2024 de l’atelier lait s’élèvent à 235 € / 1 000 L en moyenne (soit +3%). Le coût alimentaire est plutôt stable (187 € / 1000 L), avec même une réduction du prix moyen de la tonne de concentrés, tandis que le coût des fourrages progresse de 5 €/TMS. Les frais d’élevage sont en hausse de 4 €/1 000 L, évolution expliquée par une augmentation générale des différents postes d’hygiène, d’insémination et des frais sanitaires.
2 459 € par vache
Sur cette campagne, la productivité des vaches s’est très légèrement réduite : – 91 litres de lait par vache. Cette tendance, combinée aux autres résultats, induit une Marge Brute de 2 459 €/vache, soit -162 € par rapport à 2022-2023. Cette donnée fournit un ordre d’idée de la Marge Brute globale que devrait dégager un troupeau.
3 326€/ha de SFPc
La Surface Fourragère Principale corrigée correspond à la SFP de l’atelier lait à laquelle sont ajoutées les surfaces et les stocks achetés. Avec 3 326 €/ha de SFPc, la marge brute est en recul de 2%, mais cette moyenne reste bien supérieure à celle observée sur les 6 dernières années (2 897 €/ha de SFPc). La production fourragère de l’année 2023 a permis de rehausser la capacité de chargement de l’ensemble des systèmes. En effet, un hectare de SFPc permet sur cette campagne de nourrir 1,95 vache contre 1,85 l’année dernière.
Pour la campagne en cours, la période estivale pluvieuse n’a globalement pas pénalisé les cultures de maïs. Les stades de maturités sont cohérents avec les dates de semis, avec des récoltes optimales à partir de la fin septembre dans notre région. Les silos de maïs devraient se remplir en quantité et en qualité. Cela va permettre de reconstituer ou consolider les stocks et ainsi appréhender sereinement l’hiver d’autant plus que les récoltes d’herbe ont été importantes, même si la qualité est moyenne. Cette situation laisse présager un chargement au moins équivalent à celui observé sur cette campagne 2023-2024, mais un besoin en complémentation sûrement plus important.
Malgré un léger recul des marges et de la productivité par rapport à l’année précédente, les performances restent nettement supérieures aux moyennes historiques. L’analyse des différents indicateurs montre une résilience de l’exploitation suivie en MB, notamment grâce à la gestion des coûts. Toutefois, le calcul de la marge brute ne considère pas les charges de structures. Le calcul et l’analyse du Coût de Production est une approche complémentaire qui intègre ces charges.
Charlotte Mantel et Joseph Crignon,
Conseillers spécialisés Stratégie Économique
d’Avenir Conseil Élevage