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Le « lait yaourt » pour des veaux à l’herbe

Depuis janvier 2023, les veaux des élevages laitiers bio doivent avoir un accès vers l’extérieur dès l’âge de 6 semaines. Face à cette évolution réglementaire, certains éleveurs ont adapté le logement des veaux et leur conduite d’élevage. Chez Marc Van Sprundel, éleveur dans l’Avesnois, l’ouverture au pâturage nécessitait une modification particulière pour ne pas désorganiser et alourdir la charge de travail.

Marc Van Sprundel a converti son exploitation en bio en 2016. A cette époque, il remplace la culture du maïs par des prairies temporaires et consacre ainsi la totalité de la surface de l’exploitation à la production de l’herbe. En parallèle, il adapte la conduite du troupeau ; progressivement il regroupe l’ensemble des vêlages sur les mois de février et mars afin de profiter au maximum de la pousse d’herbe printanière, et également “s’offrir” un arrêt total de traite pendant environ 6 semaines sur la période hivernale.

L’exploitation de Marc Van Sprundel

Marc-Van-Sprundel

69 ha dont 7 ha de terres labourables implantées en prairie temporaire et 62 ha de prairie permanente
Référence laitière : 416 000 litres
En moyenne 70 VL à 6 000 kg (races Jersiaise, Holstein, Flamande)

Avec 74 vêlages en 2023, la fin de l’hiver et le printemps sont des périodes de travail intenses. Grâce à une bonne maîtrise de la reproduction, Marc se fixe un objectif de 17 génisses à élever chaque année afin d’assurer le renouvellement du troupeau. Pour parvenir à l’objectif d’un âge au vêlage à 24 mois, la croissance des veaux est suivie de très près par l’éleveur. Jusqu’en 2021, la phase lactée était réalisée avec du lait entier. Cette pratique nécessite une température adaptée du lait pour faciliter sa digestion par les veaux. En 2022, une évolution de la règlementation bio remet en question cette conduite ; au 1er janvier 2023, les veaux doivent avoir accès à l’extérieur ou au pâturage dès l’âge de 6 semaines. La nurserie semi-ouverte aurait pu suffire puisqu’elle possédait un accès extérieur, mais pour profiter pleinement des surfaces, les veaux doivent pouvoir s’éloigner du bâtiment. Or, la buvée au lait entier, avec les contraintes vues précédemment, ne répondait pas à cet objectif.

Une réponse à la réglementation

« Je recherchais une réponse simple et économique à la nouvelle réglementation et une meilleure valorisation de l’herbe dès le plus jeune âge. J’ai envisagé un temps l’élevage des veaux sous vaches nourrices mais cela me paraissait complexe à mettre en place. Les premiers jours, l’adoption demande de la surveillance, il faut trouver le bon nombre de veaux par vache et dans mon cas l’espace disponible dans le bâtiment des veaux ne permet pas de loger les vaches en plus des veaux », explique Marc Van Sprundel. Il s’informe alors sur la technique du « lait yaourt », cette pratique permet en effet de distribuer le lait à température ambiante.

Pour obtenir le lait yaourt, l’éleveur mélange 4 yaourts dans 10 litres de lait entier (attention pas de lait à cellules et bien sûr sans antibiotiques). En laissant ce mélange 24 heures à une température comprise entre 12 et 18°C, les bactéries lactiques se seront suffisamment développées pour ajouter 40 litres de lait supplémentaires. Puis, le lendemain, le lait yaourt est prêt à être distribué aux veaux en prenant soin d’en conserver une fraction pour ensemencer le volume nécessaire le jour suivant. Ainsi, dans des conditions de températures normales, il faut compter 20% du volume total pour préparer le lait du lendemain, cette fraction monte à 30% lorsque la température extérieure baisse. A l’inverse, durant les périodes chaudes, la fermentation est plus rapide, il est alors possible d’incorporer le lait cru au lait yaourt du matin pour le soir.

Un nouveau plan d’alimentation

Jusqu’à 8 jours, les veaux sont alimentés avec le colostrum et le lait maternel. Le lait yaourt prend ensuite le relais : 2 buvées de 2,5 litres jusqu’à 14 jours, 2 buvées de 3 litres jusqu’à 60 jours et enfin 4 litres en une buvée jusqu’au sevrage à 100 jours. Progressivement, Marc met à disposition des veaux un concentré avec 18% de MAT en complément (1,5 kg par veau maximum). Les veaux ont accès au pâturage dès le 30ème jour, d’abord à proximité du bâtiment pendant une courte phase d’apprentissage puis dans des paddocks plus éloignés. « C’est à ce moment-là que le lait yaourt est indispensable à mon système, il est impossible de distribuer du lait réchauffé lorsque les veaux sont à 600 voire 800 m du bâtiment ». Dans ces prairies, Marc gère le pâturage avec un fil avant, « je veille particulièrement à ne pas faire surpâturer les veaux pour réduire le risque parasitaire ». De plus, la longue présence des veaux en prairie dès leur plus jeune âge leur octroie un temps de contact effectif (TCE) suffisant avec les parasites comme les strongles gastro-intestinaux. Ainsi, dans le cas de l’élevage de Marc Van Sprundel, le pâturage précoce contribue à la constitution de l’immunité des jeunes animaux et réduit le stress alimentaire du sevrage sur les veaux puisqu’ils sont déjà habitués à consommer de l’herbe. Enfin, ils apprennent dès leur plus jeune âge à valoriser des prairies naturelles diversifiées et acquièrent une bonne capacité d’ingestion.

Un atout pratique et technique

Avec le passage au lait yaourt, l’éleveur a revu la distribution aux veaux. Il s’est équipé de tétines adaptées qu’il a pu fixer autour de bidons. Cela lui permet de distribuer le lait en quelques minutes sans avoir à gérer la buvée au seau. Autre atout du système de Marc, le calage des vêlages en février-mars lui permet de limiter l’impact de la météo sur la confection du lait yaourt. Il profite de températures extérieures relativement adaptées et la période de sevrage intervient avant l’arrivée massive des mouches (désagrément possible de la technique du lait yaourt en été). Enfin, le yaourt facilite la digestion par le veau, grâce à la flore qu’il contient. Cela participe à la maîtrise des diarrhées alimentaires.

Une gestion validée par les résultats

Marc pèse régulièrement les veaux afin de mesurer les croissances et surveiller la bonne santé des animaux. Les résultats obtenus sont très proches voire supérieurs aux objectifs de croissance pour un vêlage à 2 ans. En 2023, les génisses pèsent en moyenne 323 kg à 9 mois.

Résultats des pesées – GMQ objectifs pour la race Prim’Holstein

Tableau-resultats-des-pesees

En modifiant le système de buvée des veaux pour répondre au cahier des charges bio, Marc Van Sprundel a simplifié la conduite alimentaire des veaux au profit des performances de croissance. Parfois, une contrainte règlementaire peut être à l’origine de bénéfices…

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