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7 ans de réflexion pour ne pas se tromper 

Dans un secteur où les cultures entrent en concurrence directe avec l’élevage, Christophe et Caroline Boizard sont « polyculteurs-éleveurs ». Une étiquette qu’ils revendiquent aujourd’hui, après y avoir réfléchi et l’avoir assortie de quelques exigences.

Le Gaec O’Vie Lait - Hautvillers-Ouville

  • Christophe et Caroline Boizard et deux salariés
  • 230 ha dont 30 ha de maïs fourrage et 30 ha de prairie, implantation de seigle dérobé en complément du système fourrager
  • 900 000 litres de lait à produire
  • 80 vaches en production (effectif en cours d’augmentation, objectif : 100 vaches en décembre 2024)
  • Troupeau en croisement 3 voies (Prim’Holstein, Montbéliarde et Rouge Scandinave)

En 2017, l’outil de travail de Christophe Boizard, éleveur à Hautvillers-Ouville dans la Somme, a atteint ses limites, voire les a dépassées. « Le bâtiment était ancien, sombre et avec beaucoup de poteaux, ce qui ne facilite pas les accès. Et surtout, il était devenu trop juste pour l’effectif. A partir du moment où j’ai augmenté le nombre de vaches, le niveau de production n’était plus le même. Le bâtiment était fait pour 50 vaches, pas 60 ! », explique l’éleveur, avant d’évoquer un autre point : « La salle de traite 2×8 en traite par l’arrière datait de 1998 ; en 2017, elle n’était pas encore en fin de vie, mais je savais bien que son remplacement serait inévitable à court ou moyen terme. » Alors, il réfléchit à une série de 3 scénarios pour l’avenir de son exploitation agricole et plus précisément pour celui de l’atelier lait : arrêter la production laitière pour se consacrer aux cultures de vente, maintenir la production sans investir, ce qui revient à terme, selon lui, à faire une croix sur le troupeau, ou investir afin de le pérenniser.

Pérenniser la production laitière

Les raisons techniques et économiques pour lesquelles l’élevage laitier est toujours présent sont multiples : diversifier les sources de revenu, la complémentarité avec les cultures… mais c’est aussi pour des raisons humaines : « Caroline avait la volonté de s’installer sur l’exploitation et puis nous avons 3 enfants. Nous ne savons pas ce qu’ils feront plus tard, et même si nous n’avons pas élaboré le projet pour eux, ils comptent dans la réflexion. » Plusieurs années avant le remplacement effectif du matériel, Christophe et Caroline amorcent donc leur réflexion. Avec un conseiller bâtiment, Christophe esquisse un projet comprenant un bâtiment et l’installation de robots de traite. « J’avais besoin d’avoir une première idée du montant de l’investissement pour le mettre face à une capacité de financement et construire ainsi la stratégie de l’atelier lait pour les prochaines années. A partir de ce moment, il faut prendre le temps d’étudier les différentes possibilités. » Après quelques visites de bâtiments d’élevage, Christophe et Caroline engagent leur projet au début de l’année 2020. L’accroissement de la production fait partie du cahier des charges tout comme la traite robotisée. En passant de 600 000 litres à 900 000 litres, le lait produit en plus doit permettre de financer l’investissement. Et l’installation de robots de traite est un souhait non négociable pour Christophe : « J’ai des problèmes de dos importants et finalement je n’ai jamais vraiment apprécié traire. Je préfère observer mes vaches à d’autres moments de la journée lorsqu’elles sont dans l’aire paillée. Et puis, le système robot de traite apporte de la flexibilité dans l’emploi du temps quotidien. C’est très important dans mon système pour améliorer la compatibilité de l’élevage avec la plaine. »

S'entourer pour avancer

Le conseiller Bâtiment d’Avenir Conseil Élevage, le concessionnaire de robot de traite, le constructeur de bâtiment, les visites d’élevages… les rendez-vous s’enchainent. « Le bâtiment étant ancien et son agrandissement peu évident, il fallait partir d’une page blanche. C’est parfois presque plus difficile de ne pas avoir de contrainte technique forte ; à un moment j’étais perdu !  Je savais tout de même que je ne voulais pas d’un bâtiment métallique, ni d’un système 100% lisier, en revanche j’ai tout de suite trouvé le circuit dirigé pour le robot plus logique. Ce sont des choix personnels. » Avec la crise sanitaire, les délais ont été un peu allongés. En 2021, un dossier de demande d’aide est déposé pour financer en partie les robots de traite, suivi d’un deuxième dossier en 2022 pour le bâtiment. Finalement, les travaux débutent en novembre 2022. « Nous avons fait le choix de réduire au maximum le nombre d’intervenants sur le chantier. Même si parfois il peut y avoir quelques euros à économiser, faire appel à beaucoup d’entreprises différentes entraine forcément des complications dans la gestion du chantier. Je ne voulais pas avoir à combiner le planning du plombier avec celui du maçon, de l’électricien… », raconte Christophe. Le 9 janvier 2024, le troupeau intègre le nouveau bâtiment et les robots de traite sont mis en route. « Aujourd’hui, hormis quelques détails, je n’ai quasiment aucun regret de conception. La surface de la salle des machines aurait pu être réduite et un caniveau aurait pu être étendu pour faciliter le nettoyage du bac de récupération de lait aux veaux », précise l’éleveur. A l’inverse, parmi les détails qui font, selon lui, la différence, la pose d’une résine dans l’auge est un atout quotidien qui facilite énormément le travail.

Au-delà des choix techniques, la démarche de réflexion de Christophe et Caroline Boizard et le temps qu’ils se sont donné pour la mener à bien doivent être soulignés. Un bâtiment d’élevage conditionne fortement les résultats techniques et économiques. L’ampleur de l’investissement, et les conséquences techniques et humaines engagent les éleveurs sur le long terme. Si l’anticipation est bel et bien le maître mot d’un projet réussi, l’urgence est, quant à elle, l’assurance de nombreux regrets.

L'œil de l'experte

Laurine Vancraeynest, conseillère Bâtiment d’Avenir Conseil Élevage

C’est un projet familial qui a mûri avec le temps. L’implication des éleveurs dans la réflexion et la recherche de solutions est remarquable ; ils ont même réalisé une maquette afin de visualiser les circuits des hommes, des animaux et du matériel. Il s’agit d’un élément important de la réussite de ce projet. Chaque solution a été étudiée dans l’objectif de répondre au cahier des charges fixé : pérenniser l’atelier laitier en créant un bâtiment évolutif (aménageable en logettes) et facilitant le travail. Voici quelques-unes de ces solutions qui peuvent être inspirantes :

  • Le bâtiment est réalisé en pente (1 %) pour suivre le terrain naturel, optimiser le terrassement et faciliter les évacuations.
  • Grâce aux 500 m de tuyaux, Christophe peut gérer les abreuvoirs indépendamment (cela facilite les choses en cas de problème).
  • Les dimensions du bâtiment, la position des robots et des circuits courts permettra, suite à un éventuel aménagement en logettes, de conserver un circuit court paillé pour les VL à problèmes (on préconise 10 à 15 % de l’effectif).
  • La mise en place d’écailles de ventilation sur les 2 pans du bâtiment et l’installation des filets brise-vents automatiques permettent de gérer facilement l’ambiance du bâtiment en toutes conditions météorologiques.
  • La table d’alimentation a été conçue avec des barres au garrot afin d’optimiser le nombre de places et d’économiser les cornadis (ceux-ci étant situés uniquement là où la contention est nécessaire sur les parcs derrière les robots).
  • La mise en place de la résine dans l’auge représente un surcoût, mais elle facilite grandement le nettoyage quotidien et de manière durable lorsqu’elle est bien posée.

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